15/05/2014

Le Château de Chenonceau à l'époque de Diane de Poitiers et de Catherine de Médicis

En 1547, Henri II fit don du Château de Chenonceau à sa maîtresse Diane de Poitiers, de 19 plus âgée que lui. Elle entreprend de construire un parterre, sur la rive droite du Cher, au levant du château, dans un carré de la contenance de deux hectares. Elle le protégea contre les inondations par une forte levée de terre gazonnée, l'enveloppa de douves et l'entoura d'une terrasse. Les travaux commencèrent au printemps de l'année 1551. Le jardin était à la fois un parterre, un verger et un potager.
En 1556, Diane de Poitiers fait venir l'architecte Philibert de l'Orme au Château de Chenonceau afin qu'il réalise un pont permettant de franchir le Cher. Comme pour les jardins, le roi Henri II paya les travaux à sa maîtresse. Trois ans plus tard, elle est disgraciée par le roi, qui meurt blessé lors d'un tournoi.
En 1559, après sa disgrâce et la mort d'Henri II, son ancienne maîtresse Diane de Poitiers n'est plus protégée de la reine Catherine de Médicis. Après une tentative d'assassinat, elle est contrainte d'abandonner le Château de Chenonceau à la reine, en échange de celui de Chaumont sur Loire. Exilée, elle meurt en 1566 en son château d'Anet. Si les conséquences de cet échange vont amener à l'apogée royale de Chenonceau, il n'en va pas de même pour Chaumont sur Loire, qui ne sera plus possédé par aucun membre de la famille royale.
Catherine de Médicis fait construire, par Jean Bullant, les deux étages de galeries sur le pont, entre 1570 et 1576, d'après les plans de Philibert de l'Orme. Elles sont inaugurées en 1577 lors des fêtes données en l'honneur de son fils le roi Henri III.
La construction des galeries n'étaient que le prélude de travaux beaucoup plus importants, dont les plans nous ont été transmis par l'architecte Du Cerceau. La galerie devait être terminée au midi par un grand salon ovale, le château recevait de chaque côté des annexes considérables, bâties dans le lit de la rivière. Dans la cour, la tour disparaissait avec les douves, et trois portiques elliptiques s'y déployaient. Le Bernin reprendra le même type de plan cent ans plus tard pour la place Saint-Pierre de Rome. Enfin, l'avant-cour, formée de deux ailes obliques, se fermait au nord par un corps de logis qui s'ouvrait sur l'avenue principale par un vestibules à colonnades.
De ce plan gigantesque, seule une des ailes obliques de l'avant-cour fut réalisée. Ce bâtiment, appelé pavillon des Dômes, est construit entre 1580 et 1585 et est couvert d'une charpente "à la Philibert de l'Orme".
Catherine de Médicis décède en 1589. Elle avait légué le château à sa belle-fille Louise de Lorraine. Son mari Henri III décède la même année... (à suivre).

11/04/2014

Le Château de Chenonceau à l'époque des Marques et des Bohier

En 1432, Charles VII autorise Jean Marques à relever son château, qui avait été rasé vers 1411, son père ayant rejoint les anglais. Marques se mit donc à l'oeuvre, rebâtit son manoir sur le bord du Cher, au sommet d'un escarpement artificiel, et l'entoura des trois autres côtés de douves larges et profondes, qui communiquaient avec la rivière. Une tour puissante (la tour des Marques qui subsiste encore) s'élevait à l'un des angles de l'enceinte. Marques construisit en outre un moulin sur de fortes piles dans le lit même du Cher, en face de ce château, et ce moulin, qui était vraisemblablement fortifié, commandait le passage de la rivière. C'est sur ses fondations que sera construit le château Renaissance. Ces grands travaux entraînèrent la ruine de la famille Marques.
Alors que Marques marchait à la ruine, un riche financier, Thomas Bohier, surveillait cette ruine avec beaucoup d'intérêt, dans le dessein d'en profiter. Il acheta dans un premier temps plusieurs domaines dépendant de Chenonceau, et parvint ainsi à "étouffer" le seigneur ruiné de Chenonceau. Après une vingtaine d'années de péripéties administratives, les Marques sont officiellement expropriés en 1513.
Devenu propriétaire de Chenonceau au mois de février 1513, Bohier s'occupa de réaliser les grands projets qu'il avait conçus pour ce domaine. Les différentes seigneuries qu'il avait achetées dans le voisinage formant un ensemble assez considérable pour constituer une châtellenie, il se pourvût auprès de Louis XII, et le roi, par lettre patentes données à Blois l'année suivante, éleva la seigneurie de Chenonceau d'un degré dans la hiérarchie féodale.
Les deux voyages de Thomas Bohier en Italie avec Charles VIII et Louis XII avaient éveillé en lui le goût des arts, et il eut l'ambition de construire un des plus beaux châteaux de son époque. Il est probable qu'il commença cette construction dès l'année 1513, aussitôt après l'adjudication de la terre. Mais ayant été envoyé de nouveau en Italie en 1515 pour administrer les revenus du duché de Milan et veiller à la subsistance des troupes, il laissa à sa femme Catherine Briçonnet le soin de diriger les travaux. C'est ici que commence le destin féminin du Château de Chenonceau.
C'est sur les piles de l'ancien moulin des Marques que Bohier assit son château. La construction du Château de Chenonceau n'exigea que quatre ou cinq ans de travail car le gros oeuvre était terminé en décembre 1517. La consécration de la chapelle fut faite l'année suivante par le frère de Thomas Bohier, Antoine, cardinal-archevêque de Bourges.
Thomas Bohier, constructeur du Château de Chenonceau, meurt le 24 mars 1524 (il y a tout juste 490 ans) au camp de Vigelli, dans le Milanais. Le corps du général des finances est rapporté d'Italie et inhumé dans l'église Saint-Saturnin de Tours. Son tombeau (et celui de sa femme Catherine Briçonnet qui décède deux ans plus tard) est exécuté par les sculpteurs italiens Giusti (ou Juste). Il est entièrement détruit à la Révolution, de même que l'église Saint-Saturnin.
Après le décès de Thomas Bohier et de Catherine Briçonnet (on retrouve leurs armoiries sur la porte d'entrée monumentale), Antoine Bohier hérite du Château de Chenonceau. À cette époque, François Ier cherche à ruiner les puissants financiers qui détenaient le pouvoir sous Louis XII. Après Semblançay, condamné à mort en 1527 à l'âge de 82 ans, et Berthelot (constructeur du Château d'Azay le Rideau) qui devra fuir son château inachevé, Antoine Bohier est contraint d'offrir plusieurs de ses châteaux, dont celui de Chenonceau, au roi de France. François Ier en donna l'intendance à Philibert Babou, baron de la Bourdaisière. Le château sert alors de rendez-vous de chasse et n'est pas meublé.
Source : Le château de Chenonceau : notice historique (5e éd.) / par M. l'abbé C. Chevalier, 1882.

01/04/2014

Les travaux du nouveau maire de Tours !

Jean Germain, maire de Tours depuis 1995, ne s'était pas illustré pour sa protection du patrimoine ces dernières années. Le nouveau maire de Tours, Serge Babary, avait cependant un programme beaucoup moins fourni dans ce domaine. On peut donc espérer qu'il sera plus facilement réalisable. Un de ses projets était notamment la création d'un grand spectacle historique à Marmoutier, ce qui serait un moyen de mettre en valeur ce site hautement historique qui ne peut être visité que certains jours lors de visites guidées.
De plus, son principal projet en matière de patrimoine était d'"aménager un Espace Renaissance par une rénovation ambitieuse du château de Tours sur le modèle des nouveaux musées mondiaux". Ce projet serait à retravailler, surtout parce qu'il pose un problème : Comment aménager un "Espace Renaissance" dans un château médiéval ? Pour la rénovation ambitieuse du château, cependant, on ne peut être qu'en accord avec lui, surtout lorsqu'on voit l'état de la muraille gallo-romaine à ses pieds.
La décision de la précédente municipalité de recouvrir ces vestiges était-elle si judicieuse ? Ils pensaient certainement qu'en faisant cela ils n'auraient plus besoin de s'en occuper, mais au vu des derniers écroulements il ne faudrait pas perdre de temps !
À mon avis (qui n'est que celui d'un jeune étudiant en histoire de l'art), il faudrait songer à déblayer à nouveau ces vestiges, afin d'y installer un musée. Comme je le disais dans l'article précédent, pourquoi ne pourrait-on y installer le musée de la Société Archéologique de Touraine ? Il serait ainsi à proximité immédiate de leur bibliothèque (qui se trouve dans le Logis des Gouverneurs) et de leur futur siège social (dans l'église Saint-Libert). L'hôtel Gouïn, dont la restauration est en voie d'achèvement, serait alors disponible pour recevoir un musée plus en lien avec la Renaissance !
Enfin, en plus de ses projets, Serge Babary va hériter de ceux initiés par Jean Germain. On peut notamment penser à la restructuration du haut de la rue Nationale avec la création de deux hôtels de luxe. La création de ces deux immeubles va amener à modifier radicalement cette entrée de ville, et va surtout cacher l'église Saint-Julien bientôt restaurée. 
L'entrée de ville de Tours a toujours été marquée par la symétrie. Lors de la reconstruction de centre de la ville, après la Seconde Guerre Mondiale, le parti architectural était toujours symétrique. Cependant, l'édifice qui devait se trouver en face de la bibliothèque ne fut pas réalisé, car aucune fonction ne lui fut trouvée. On peut également noter que l'église Saint-Julien ne fut pas cachée et que son clocher servit même de modèle pour le couronnement des pavillons d'angle. On peut donc espérer que ce projet soit réalisé avec toujours ce respect pour le patrimoine existant, chose difficile pour deux immeubles placés à cet emplacement. Mais ces immeubles pourraient également compléter la symétrie inachevée du haut de la rue Nationale. Il faudrait alors créer deux bâtiments à l'ouest de la rue ; l'un reprenant avec exactitude le volume de l'église Saint-Julien, l'autre celui de la bibliothèque ; le tout de façon symétrique et en employant des matériaux volontairement modernes.

18/03/2014

Municipales à Tours : Et le patrimoine ?

À moins d'un semaine du premier tour des municipales, les projets de chaque candidat sont en grande partie dévoilés. Si chacun a ses propositions, que je n'ai pas à développer ici, celles concernant le patrimoine ne sont abordées que par deux candidats, Jean Germain, maire actuel, et Serge Babary.
Je ne m'attarderai pas sur les phrases du genre "mettre le patrimoine historique de Tours en valeur pour dynamiser le tourisme" qui n'apportent pas grand chose, mais seulement sur les faits.

Chez Jean Germain, plusieurs projets sont à retenir : 
- Installation du Centre de Création Contemporaine Olivier Debré à la place de l'Ecole des Beaux-Arts et mise en valeur du Musée du Compagnonnage.
- Restauration de la chapelle des Capucins (oeuvre de l'architecte du béton Auguste Perret) pour y accueillir un pôle dédié aux musiques anciennes. Il faut bien sûr que cet "accueil" soit effectué en respect avec l'architecture particulière du lieu.
- Le musée des Beaux-Arts verra son accueil au public entièrement repensé.
- Mise en valeur du quartier Paul Bert (aucun projet de restauration de l'église Saint-Symphorien).
- Restructuration de la place Saint-Pierre le Puellier, située près de la place Plumereau, et qui présente en son centre un trou montrant plusieurs tombes médiévales qui n'a pas été rebouché après les fouilles.

Serge Babary, quant à lui, propose de créer un grand spectacle historique à Marmoutier.

Enfin, il y a un monument au sujet duquel les deux candidats se rejoignent à peu près, c'est le château de Tours. Jean Germain voudrait voir un Musée dédié à l'histoire urbaine de Tours au Logis des Gouverneurs. Serge Babary voudrait "aménager un Espace Renaissance par une rénovation ambitieuse du château de Tours sur le modèle des nouveaux musées mondiaux". Qu'entend-il par "rénovation ambitieuse" ? N'est-ce pas exagéré de vouloir une rénovation "sur le modèle des nouveaux musées mondiaux" ? À quoi pense-t-il ? Mais surtout... pourquoi installer un "Espace Renaissance" dans un château du Moyen-Âge ?!
C'est d'autant plus curieux que l'hôtel Gouïn, l'un des premiers édifices Renaissance de France, est en phase terminale de restauration !
Quoi qu'il en soit, ces projets autour du château de Tours sont une excellente idée. Il faudrait certainement voir avec la Société Archéologique de Touraine pour que leur futur musée soit installé au château de Tours (il serait ainsi à proximité immédiate de leur bibliothèque et de leur futur siège social dans l'église Saint-Libert), ce qui libérerait l'hôtel Gouïn pour y installer un musée plus en lien avec la Renaissance.
Le Logis des Gouverneurs et le Château de Tours

15/03/2014

La basilique Saint-Martin de Tours

La basilique Saint-Martin de Tours est située dans la centre de la ville, dans l'ancien quartier de Châteauneuf, près du transept sud de l'ancienne basilique Saint-Martin. La basilique est commencée en 1886, inaugurée en 1890 et achevée en 1902 d'après les plans de Victor Laloux (1850-1937). Ce dernier nait à Tours et réalise deux autres édifices de cette ville : la gare (1896) et l'hôtel de ville (1898), ainsi que la gare d'Orsay à Paris (1898).
Les conditions dans lesquelles Laloux a été amené à créer sa basilique sont responsables de ses dispositions particulières. En effet, la basilique devait prendre place dans un espace plutôt réduit, mais elle devait tout de même être assez imposante pour rappeler l'importance du personnage qui y était inhumé. C'est pour cette raison que l'on peut voir un fort étagement des constructions, en particulier au niveau du chevet. Ce même souci de gain d'espace est visible par l'utilisation de la totalité de la parcelle de terrain qui lui avait été allouée pour la basilique. Le chœur est donc transféré dans la croisée du transept pour gagner de la place. C'est aussi dans la hauteur et les différents niveaux que Laloux va réussir à reproduire le modèle antique de la basilique en le réadaptant aux exigences modernes. Ainsi, comme dans les basiliques antiques, le transept n'est pas saillant. Cependant il est tout de même marqué, étant bien plus haut que les bas-côtés et les absidioles qui lui sont accolés, afin de se rapprocher du plan en croix latine.
L'emploi des colonnes en granite pour le vaisseau central est une autre référence à l'antiquité qui a été réadaptée, puisqu'il s'agissait normalement de colonnes en marbre. De même pour les chapiteaux corinthiens réinterprétés qui sont ornée de croix, d'armures et de coquilles, références à saint Martin.
Enfin, tout comme certaines basiliques antiques avaient des représentations de l'empereur qui les avaient faites construire, la basilique Saint-Martin possède des représentations de personnages locaux. Dans la coupole par exemple, autour de saint Martin trônant, on trouve quatre représentations d'évêques : saint Gatien, saint Ambroise, saint Lidoire et saint Hilaire. Ils ont tous les quatre un lien soit avec Tours, soit avec saint Martin. Au-dessus de la grande arcade du chœur, on trouve des représentations de saint Brice et saint Perpetuus, qui sont tous les deux à l'origine de la construction ou de l'agrandissement d'une basilique sur le tombeau de saint Martin.
On peut également lire de nombreuses inscriptions en latin. L'une d'elles, située sur le tympan du portail de la façade sud, est une citation de Paulin de Périgueux, contemporain de l'évêque saint Perpetuus : « La ville de Tours jouit à perpétuité de son évêque Martin ». Ces inscriptions en latin permettent également de se rapprocher de l'antiquité.
Cette basilique est à replacer dans un contexte de grands chantiers de construction de la deuxième moitié du XIXe siècle. Elle peut être comparée à Notre-Dame-de-la-Garde à Marseille (1853-1864), à Notre-Dame de Fourvière à Lyon (1872-1884) et au Sacré-Cœur de Montmartre à Paris (1875-1923). Ces trois édifices présentent tous de fortes références à l'antiquité ou au monde byzantin, notamment par la présence de colonnes, de mosaïques et de coupoles. À Tours, cette construction prend place dans une période de forte expansion de la ville. La statue de saint Martin sur le dôme est d'ailleurs tournée vers les nouveaux quartiers au sud. Pour Victor Laloux, la basilique Saint-Martin est sa première œuvre. Elle sera suivie en quinze ans par la plupart de ses grands chantiers, d'abord à Tours, puis à Paris avec la gare d'Orsay en 1898. La basilique est inscrite monument historique en 1991, environ cent ans après sa construction. C'est assez tardif si on la compare à la date d'inscription des autres monuments de Laloux : l'hôtel de ville de Tours (1975), la gare d'Orsay (qui est, elle, classée en 1978) et la gare de Tours (1984).